Vive le Canada!
- Marie Laure
- 24 mars
- 3 min de lecture
Je suis franco-américaine. Qu'est-ce que cela signifie d'être franco-américaine ? Disons que c'est personnel. Mes grands-parents franco-canadiens, Mémère, Marie-Laure, et Pépère, Arthur, sont nés au Québec, dans le village de Saint-Patrice-de-Beaurivage (Belle Rive). Au début de leur mariage, ils ont émigré aux États-Unis. Leurs racines québécoises ont survécu à leur départ d'une terre natale qu'ils aimaient et qu'ils partageaient avec leurs descendants par la langue, la cuisine, la foi et la musique.
Comme beaucoup d'immigrants aux États-Unis, ils cherchaient du travail. Pendant la révolution industrielle, cela signifiait des emplois dans des usines. Ma mère, née aux États-Unis de première génération, était une « ouvrière d'usine ». Sa scolarité s'arrêtait en seconde. Elle racontait ses journées de douze heures debout dans de vastes pièces chaudes, non ventilées et bruyantes où les textiles étaient fabriqués sur d'énormes métiers à tisser. Son maigre salaire était reversé à la famille nombreuse dans laquelle elle avait grandi à Lowell, dans le Massachusetts. Ces mêmes usines font aujourd'hui partie du National Park Service*, où ces conditions ont été reproduites. Des casques antibruit sont distribués aux visiteurs par mesure de précaution contre le claquement assourdissant des métiers à tisser. J'ai choisi de ne pas les porter pour la

Une heure où j'ai marché dans les chaussures usées de ma mère. Ses origines étaient si différentes des miennes, et pourtant nous partagions un héritage franco-américain. Son histoire est celle d'un autre temps, tout en étant profondément ancrée dans la mienne.
Impossible de se défaire du folklore et des rituels familiaux, même lorsqu'ils ne sont plus pratiqués. Mes nombreux cousins ont mille et une anecdotes à partager à chaque fois que nous nous retrouvons. Nous nous aidons mutuellement à nous souvenir des dîners du dimanche après la messe ; des soupers du samedi à la toutière (pâtés en croûte), un incontournable dans tous nos foyers ; de la messe de minuit la veille de Noël, suivie du réveillon de Noël ; du français obligatoire parlé avec Mémère et Pépère, même si nous peinions dans nos classes bilingues à lire et écrire les phrases que nous connaissions par cœur ; des oncles avec leurs violons (chacun en avait un, fabriqué à la main par Pépère).**
Le « Petit Canada », où mes grands-parents se sont installés, était entouré d'Irlandais, de Grecs et de Polonais, chacun avec ses coutumes, sa cuisine et sa musique. Ils avaient leurs fêtes, nous avions les nôtres, et parfois tout cela se recoupait dans un immense melting-pot !
Les Canadiens ne sont pas Américains, pas plus que les Américains ne sont Canadiens. Comment le pourraient-ils ? Effacer les cultures est impossible. Tout ce qui est ancré dans une personne, disons chez un Franco-Américain, est acquis une fois pour toutes.
Je ne cesserai jamais de rêver de la « crêpe parfaite » que ma mère préparait selon sa recette. Je ne cesserai jamais de considérer les vêtements comme un tissu fabriqué sur un métier à tisser. Je me souviendrai toujours des paroles du « Ô Canada » que nous chantions à l'école catholique après le Serment d'allégeance. Je n'oublierai jamais les violons dans la vitrine du salon de mes grands-parents. Chaque fois qu'ils ouvraient les portes-fenêtres de cette pièce autrefois interdite d'accès, on entendait des pas, des chants et des musiques d'un héritage qui rappelait le Vieux-Québec. La petite province francophone du Grand Nord est une voisine, et non une ennemie, pour bien des familles.
Les Canadiens, comme les Américains, se sont battus pour leur liberté.
L'Acte de Québec de 1774*** a donné aux Québécois francophones leur place et leur langue, assortis de droits et de coutumes locales, et a protégé leur religion catholique. Cet acte est toujours en vigueur.
Voici l'histoire canadienne transmise de grands-parents à leurs parents, puis à leurs filles et à leurs fils. Rien ne peut changer cette histoire ! Rien !
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